Énergie solaire : faut-il suivre l'exemple du Togo ?

Le 22 juin dernier, le Président Faure Gnassingbé a inauguré la plus grande centrale solaire d’Afrique de l’Ouest, la centrale « Cheikh Mohammed Bin Zayed » de Blitta. L’installation de 92 hectares avec 123 344 panneaux solaires photovoltaïques produira plus de 90 MWH d’énergie solaire. La centrale de Blitta couvrira les besoins énergétiques de 158 333 ménages dont 9% localisés dans la Région Centrale. L’électrification du pays est l’une des priorités de la gouvernance togolaise. Selon le PDG de l’association de référence des professionnels du solaire en Afrique (AFSIA), John van Zuylen : « …le Togo se distingue comme un exemple étonnant pour la promotion de l’énergie solaire pour développer le pays et apporter une électricité bon marché et fiable à ses populations ». Quelle est la stratégie de Lomé dans le secteur des énergies renouvelables ? Quelles actions ont été menées à travers le pays ? Quels sont les futurs projets ? Faisons un point sur la situation.

Les objectifs du gouvernement

Les autorités nationales ont mis en place la Stratégie nationale d’électrification afin de ne plus dépendre des importations d’énergie en provenance du Nigéria et du Ghana. Le but est d’atteindre l’accès universel à l’électricité d’ici 2030 et d’augmenter de 50% la part des énergies renouvelables dans le réseau énergétique du pays. Avant de se tourner vers l’énergie solaire, l’État a tenté d’étendre le maillage électrique existant. Seulement, la mise en place et les coûts occasionnés étaient beaucoup trop élevés pour le gouvernement et le consommateur final. C’est à partir de ce constat que l’alternative des énergies renouvelables a pris tout son sens.

Droit d’auteurs : © https://www.afrik21.africa/ – Centrale solaire de Blitta – Togo

L’énergie solaire mise en avant

Les centrales solaires

Le gouvernement togolais compte construire une centrale solaire par région. Dans sa politique énergétique, toute localité se situant à moins de 5 km du réseau de ces infrastructures va être raccordée. Dans un souci de rentabilité, le gouvernement a misé sur des dispositifs high-tech. La centrale de Blitta possède une technologie qui traque la luminosité, ses panneaux solaires photovoltaïques suivent la course du soleil toute la journée pour stocker un maximum d’énergie. La centrale délivre son énergie à deux niveaux de tension différents. Pour la ligne qui va de Sokodé à Atakpamé, la tension est à 161 kV et une tension de 33 kV est destinée à la ligne de distribution de Blitta. Globalement, 9% de l’énergie solaire générée par la centrale est suffisante pour la préfecture de Blitta et les 91% restants vont fournir l’énergie aux villes et villages périphériques. À long terme, il est estimé que la centrale solaire de Blitta fera l’économie d’un million de tonnes d’émission de CO2.

Les mini-réseaux solaires

Ces dispositifs sont destinés à une densité de population supérieure à 500 habitants/km² et se trouvant à plus de 5 km du réseau des centrales solaires. Les mini-centrales ont une capacité moyenne de 100 kW et s’étendent sur un réseau de distribution basse tension de 3 km. Un réseau de distribution de 480 km est en cours de construction pour fournir de l’énergie solaire à 317 communes. A la fin du projet, 45 000 abonnés devraient avoir accès à l’électricité via l’énergie solaire.

Le projet CIZO

Cette initiative s’adresse aux localités de moins de 500 habitants/km2 et dont la distance est supérieure à 5 km du réseau des grandes centrales. Le projet CIZO vise une électrification hors réseau grâce aux kits solaires individuels. Ces dispositifs permettent d’éclairer les logements et d’alimenter les équipements domestiques de basse consommation. L’objectif de cette initiative est de donner accès au courant dans les zones rurales les plus éloignées et de limiter les risques d’exode. D’autre part, l’État souhaite encourager les Togolais à délaisser les sources d’énergie classiques au profit de l’énergie solaire pour poursuivre sa transition énergétique.

Cependant plus de 50% des foyers ruraux sont dans l’incapacité de payer plus de 2000 FCFA par mois pour combler leurs besoins énergétiques. C’est alors qu’en mars 2019, l’État togolais propose une allocation mensuelle de 2000 FCFA pendant 3 ans aux ménages équipés du kit solaire. Cette prestation sociale, appelée le « chèque CIZO”, est versée en priorité à 11 préfectures dont le taux de couverture électrique est le plus bas.

Les préfectures concernées sont :

Kpendjal ;
Tandjouaré ;
Kéran ;
Dankpen ;
Blitta ;
Est Mono ;
Wawa ;
Amou ;
Haho ;
Moyen Mono ;
et Avé.

En juillet 2019, 23 000 logements bénéficient de ces dispositifs et utilisent l’énergie solaire.

Droits d’auteur : © https://www.republiquetogolaise.com/ – Énergie solaire : le projet CIZO et les kits solaires individuels

Les initiatives complémentaires aux usages domestiques

Les pompes à eau solaires

En partenariat avec BBOXX, EDF Togo et SunCulture (filiale d’EDF au Kenya, spécialisée dans l’irrigation solaire), l’État projette de fournir des pompes à eau solaires à 5000 agriculteurs. Les bénéficiaires prioritaires seront ceux vivant dans des zones mal desservies par le réseau existant ou en cours de construction. Ces pompes faciliteraient le travail des agriculteurs en supprimant les longues distances à parcourir pour accéder à l’eau. Du coup, ils pourront mieux gérer leurs récoltes lors de la saison sèche et augmenter leurs rendements en diversifiant leurs cultures. Ce projet est subventionné à hauteur de 50% par l’État. Pour favoriser l’accès à cet équipement, le gouvernement propose l’exonération des droits d’importation et la TVA afin que les pompes à eau solaires soient plus abordables.

« La communauté connectée de demain »

Pour cette initiative, le Togo s’est inspiré d’un projet similaire lancé à Bugusera, au Rwanda. Il s’agit d’installer des mini-centrales de 30 KVA pour fournir l’énergie aux tours de Togocom. Ces tours sont implantées dans les villages directement pour accéder aux réseaux de télécommunications et aux services associés. L’ambition est de couvrir les besoins énergétiques de la communauté comme l’éclairage public tout en respectant l’environnement. La première ville ayant reçu cette infrastructure est Sikpe-Afidégnon dans la préfecture de Yoto. Ce dispositif va s’étendre dans 315 communes du pays.

Les éclairages publics solaires et autonomes

Le 12 avril 2021, lors d’une visite officielle du Président Faure Gnassingbé à Paris, un accord est conclu pour déployer 50 000 lampadaires solaires et autonomes au Togo. L’installation sera encadrée par la société française Sunna Design, spécialisée dans l’éclairage public solaire.

Droits d’auteur : © https://www.republiquetogolaise.com/ – Énergie solaire : L’éclairage public solaire via des lampadaires autonomes en énergie.

Les autres formes d’énergie

La centrale électrique de Kékéli à Lomé-Port

La centrale électrique de Kékéli fait figure d’exception dans la promotion de l’énergie solaire. Inaugurée le 30 avril 2021, cette centrale bénéficie de la technologie du cycle combiné. Pour produire de l’électricité, deux turbines fonctionnent en même temps. La première turbine est activée par le gaz naturel. Ses gaz d’échappement produisent de la chaleur qui est en partie récupérée par la seconde turbine. La chaleur de la combustion chauffe l’eau de cette deuxième turbine qui s’enclenche grâce à la vapeur. L’eau est réinjectée dans le processus de production d’électricité et les gaz de combustion sont filtrés. La technologie du cycle combiné permet de diviser par 2 les émissions de CO2 par rapport à une centrale thermique classique. À l’heure d’aujourd’hui, seule la turbine à gaz fonctionne et la turbine à vapeur sera mise en service à la fin de l’année. La puissance de la centrale est de 47 MW et elle montera à 65 MW quand les deux turbines s’activeront simultanément. Cette installation a pour but de fournir l’électricité à 250 000 foyers soit pour environ 1,5 million d’habitants.

La centrale thermique Contour Global à Lomé

Cette centrale est un bon exemple d’illustration des efforts mis en place pour réduire son impact sur l’environnement. En effet, depuis le 25 décembre 2018, la centrale s’alimente au gaz naturel liquéfié et abandonne définitivement l’usage du fuel lourd pour générer de l’électricité. En ajoutant des groupes de gaz, l’infrastructure réduit fortement ses émissions de gaz à effet de serre.

La centrale thermique Kékéli Efficient Power — Droits d’auteur : © https://www.togofirst.com/ – Centrale thermique Kékéli Efficient Power

Les futurs projets en faveur de la transition énergétique

Construction de centrales solaires à Salimde et à Awandjelo

Le 17 juin dernier, le gouvernement adopte des projets de décret annonçant l’installation de deux nouvelles centrales solaires. L’infrastructure de Salimde aura une capacité de 60 Mwc et celle de Awandjelo de 80 Mwc. La centrale de Blitta a été réalisée en 18 mois. Il est donc fort possible que la mise en service des centrales de Salimde et d’Awandjelo soit tout aussi rapide.

Électrification de 350 localités par des systèmes solaires photovoltaïques

En vue d’un accès universel à l’électricité, l’exécutif continue sa promotion des énergies renouvelables à usage domestique. Une convention de financement avec l’Exim Bank of India vient d’être signée pour accentuer le développement des communautés rurales éloignées des réseaux conventionnels d’électricité. Cet accord prévoit les actions suivantes :

l’installation de 2 000 systèmes d’irrigations solaires ;
l’aménagement de 500 dispositifs de pompage solaire pour accéder à l’eau potable ;
l’électrification de 500 écoles ;
l’implantation de 12000 lampadaires solaires.

Depuis 2017, le gouvernement épaulé par le Ministère des Énergies et des Mines déploie de nombreuses entreprises pour doter chaque habitant d’électricité. Cette volonté de combler les besoins énergétiques en limitant l’impact environnemental met en valeur la démarche éco-responsable de l’exécutif. D’autant plus que le projet CIZO a permis de développer en parallèle le marché du travail en créant plusieurs milliers de postes dans l’économie verte. Grâce à son programme d’électrification du pays, le Togo démontre la nécessité de diversifier les installations en combinant des solutions “réseaux” et “hors-réseaux”. Au-delà de l’énergie solaire, l’Etat togolais étudie également d’autres sources génératrices d’électricité telles que les micro-barrages hydroélectriques et les parcs éoliens. En associant l’ensemble des projets mis en place et en cours, est-ce que le Togo atteindra ses objectifs de 2030 ? Malgré les subventions, est-ce que les Togolais sont aptes financièrement à participer à la transition énergétique menée tambours battants par le gouvernement ? Affaire à suivre.